mercredi 26 septembre 2012

Les yeux de Mushu se sont fermés sur deux éclats de soleil.

"Mushu nous a quittés à mi-juillet dernier. La peine, la tristesse, le vide, les derniers instants que l’on repasse en boucle dans la chambre noire de notre cinéma intérieur, les interrogations, les doutes, pas de remords certes mais des regrets (on a toujours des regrets parce que l’on imagine toujours que l’on aurait pu faire mieux, davantage, autrement…). Le repli un peu, le recul, des larmes. Parler, oui, parler! Et puis, avec le temps, l’envie (le besoin ?) de partager. Après une éclipse, le soleil qui passe à travers un voile. Le soleil délibérément parce que Mushu est toujours là, comme avant lui Squatt, Laine, Orage, les Miss et avec eux, avant eux, tous ceux que l’on a aimés, que l’on aime et qui ont fait la trace, qui ont laissé une empreinte, une emprise et qui en même temps libèrent…"


Avec Mushu qui s’en est allé, victime d’une séropositivité double, à la leucose et au FIV (le virus de l'immunodéficience féline), l’un de ces deux virus s’étant révélé subitement mortel et le laissant sans ressource malgré les traitements vétérinaires, c’est un morceau de notre soleil qui est parti.

Il avait très certainement contracté ces affections durant ces années d’errance dans le voisinage où nous le voyions régulièrement. À l’époque, il avait une famille (qui ne prenait probablement pas suffisamment soin de lui), et par ailleurs un lieu d’accueil chez une autre personne du coin, qui au bout de quelques temps ne se résolut quand même pas à le garder.
Nous eûmes conscience de sa détresse, le jour où nous le vîmes récupérer entre les graviers de notre cour, les miettes tombées de la nappe que nous secouions après les repas. Dans un premier temps, nous l’avons alimenté lorsqu’il passait par là; en fait aussi, nous étions fascinés par les deux taches claires de ses yeux, contrastant avec sa fourrure foncée. Assis, il nous regardait: une quête, une façon de nous jauger, l’attente d’un signe, d’une invite ?...
Nous avions d’autres chats à demeure, qui s’étaient hébergés de même (et d’eux-mêmes), à un moment ou à un autre, finissant par nous adopter… C’est aussi à eux et à l’équilibre du groupe que nous pensions en prenant l’ensemble en considération…
Nous lui avons alors assuré, comme aux cinq qui nous avaient déjà adoptés, le couvert permanent et le gîte, dans la grange, dans un premier temps. Cela convenait et nous avions là, un bon équilibre de fonctionnement. Il prit place progressivement, dans la cour comme dans le jardin à l’arrière de la maison, sans provoquer de phénomène de rejet important. Puis, l’hiver venu, arriva une période assez froide et ces journées d’intense neige. Un soir, il se trouvait pelotonné dans 12 centimètres de cette poudreuse, sur une bâche recouvrant un petit bassin se situant à deux mètres de notre porte d’entrée. Pour lui, cette porte resta ouverte et de là il a fait partie de la famille, sans le moindre problème. Mieux, il nous apporta beaucoup, prodigieusement même par sa personnalité, un caractère bien affirmé, une gentillesse extrême, le sens discret qu’il avait de sa place, une façon toute personnelle et attendrissante de manifester son affection et de l’attendre aussi en retour.

Au tout début, lorsqu’il apparaissait dans le soleil de notre jardin, il nous avait fait penser au poème de Maurice Carême, « Le chat et le soleil »:

Le chat ouvrit les yeux
Le soleil y entra.
Le chat ferma les yeux
Le soleil y resta.

Voilà pourquoi le soir,
Quand le chat se réveille,
J'aperçois dans le noir
Deux morceaux de soleil.

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